Marina Baie des Anges et Port Grimaud ou le retour du refoulé

in coll. Marina Baie des Anges, Paris : éditions b2 coll. Patrimoine, 2019 pp. 104-118

 

(…) Situées chacune à un bout de l’échiquier doctrinal de leur époque, – l’une du côté de l’objet, l’autre du signe et de l’ornement – Marina Baie des Anges et Port Grimaud ont longtemps été considérées par leurs détracteurs comme deux monstruosités, la première accusée de gigantisme, l’autre de ne fournir qu’un décor avilissant. Ces deux opérations balnéaires que tout semble opposer à priori ont cependant des points communs : elles relèvent d’initiatives immobilières privées à l’initiative d’individus entrepreneurs;  et leurs concepteurs André Minangoy comme François Spoerry ont été tenus à distance des cercles de l’architecture savante de leur époque et, par la même, de la commande publique.

Monolithe sculptural versus cité horizontale, elles extrapolent – chacune à sa manière – la question de l’échelle de leurs programmes (1300 logements à Marina Baie des Anges, 2400 à Port Grimaud) et dans les deux cas, en célèbrent la densité tout en cherchant à échapper aux registres formels dominants de leur époque.

Si le modèle de Port Grimaud a rapidement été réhabilité et mobilisé par édiles, aménageurs et promoteurs privés dans la périphérie parisienne, celui de Marina Baie des Anges a longtemps été négligé. Refoulée depuis les années 1970, sa puissance formelle et son intérêt typologique ont connu une sorte de retour en grâce en France au tournant des années 2000: auprès des chercheurs qui ont contribué à en documenter et en retracer l’histoire jusqu’à convaincre l’Etat de sa labellisation au titre de patrimoine du XXe siècle; mais aussi d’une jeune génération d’architectes confrontée à de nouvelles problématiques de projets. A l’orée des années 2000, à la faveur d’une embellie immobilière et spéculative inédite, les programmes résidentiels privés se sont multipliés, l’échelle moyenne des pro- grammes a augmenté, tandis que l’urbanisme par macro-lots incitait les architectes à développer une approche plus sculpturale ou gabaritaire pour leurs bâtiments. Délestés des préventions idéologiques qui encombraient leurs ainés, d’aucuns se sont alors souvenu de cette grande silhouette blanche à l’horizon de la Baie des Anges.