« Hôtels sans voyageur.ses »
En avril 2021, les règles d’un troisième confinement nous enjoignent une fois de plus à ne pas voyager et à travailler à distance. Mon quartier est celui des gares, des grands magasins, des cinémas et des touristes. Que sont devenus tous ses hôtels lorsque plus personne ne voyage ? Ne me déplaçant plus que dans un rayon restreint et soumise à un couvre-feu, j’ai trouvé mon protocole. Je me concentrerai sur le 9ème arrondissement et ses pourtours avec pour seule règle d’arpenter les rues alentour, entrer systématiquement dans les hôtels ouverts, engager la conversation avec les gérant.e.s et concierges, prendre en photo les façades, noter quelques détails. J’entame alors un petit carnet de terrain, et remets chaque soir au propre mes notes sur un fichier Word. Quatre ans plus tard, je me souviens encore des rues désertes et du masque à porter à l’extérieur, du silence dans ces hôtels vides ou presque, dont j’ai rarement pu dépasser le hall. Mais de quoi d’autre ? Je réouvre mon fichier et retrouve mes photos. Qu’ai-je conservé finalement de ce printemps 2021 ? Presque rien, une litanie de noms, de nombres de chambres, de taux d’occupation, des prix. Derrière ce presque, des offres éphémères pour télétravailleurs ou happy few, et l’ombre de ces ouvriers, mères isolées et exilés qui ont alors servi de variables d’ajustement pour remplir les hôtels parisiens.
« Hôtels sans voyageur.ses », Plan L, n°211, mai 2025, pp. 63-71